A
part les Malinké et les Dioula, convertis en totalité à l’islam
depuis le XVIIème siècle ; les différentes ethnies ont un point
commun, l’animisme. Contrairement à ce que les premiers Européens
(et beaucoup de leurs successeurs) ont cru voir dans cette famille
de croyances (car l’animisme recouvre bien des notions), il
s’agit de toute autre chose que de la simple adoration de faux
dieux.
En
réalité, c’est la présence d’un dieu unique qui est perçue dans
l’ensemble de la création, qu’il s’agisse de mondes minéraux,
végétal, animal ou des principes élémentaires. Mais ce dieu
unique qui fait régner l’harmonie et l’équilibre dans l’univers
et lointain, et ses volontés sont difficiles à connaître.
L’homme
éprouve le besoin de trouver des intermédiaires qui l’aident
à les comprendre et à agir de manière à ne pas troubler l’ordre
naturel des choses. Par ailleurs, indépendamment de Dieu et
de ceux qui entrent en son nom en contact avec l’humanité, il
existe des forces mauvaises qui ont comme but de détruire cette
harmonie du monde, et il convient de s’en préserver.
L’islam, cependant, a fait beaucoup d’adeptes, même parmi les
Sénoufo qui ont si longtemps résisté à l’influence des Malinké,
fervents musulmans. Actuellement, dans la plupart de villes,
surtout dans le Nord et le centre, les mosquées sont nombreuses.
Et à l’époque du Ramadan, souvent appelé le Carême en Côte d’Ivoire,
on est surpris de voir la foule de fidèles qui, d’un bout à
l’autre du pays, observent scrupuleusement le jeûne terrible
pendant lequel, du lever au coucher du soleil, il est interdit
de manger, de boire et de fumer.
Le jeune Etat ivoirien a eu à résoudre, dès l’indépendance,
un problème difficile en ce qui concerne le choix d’un code
civil. Certes, la colonisation avait au moins imposé nombre
de lois émanant du code français. Mais il régnait une certaine
souplesse quant à la polygamie et aux transmissions d’héritages,
notamment par la filiation matrilinéaire, c’est-à-dire par les
femmes : au lieu de laisser ses biens à ses fils, on les léguait
à ses oncles et cousins maternels, frères de même mère, neveux
par les soeurs.
Si la filiation patrilinéaire coexistait avec la précédente
dans certaines ethnies, il y avait consensus pour que la veuve
n’hérite de rien. La fille rarement. Le chef de la famille étendue,
comprenant les ménages des enfants et frères plus jeunes, oncles,
parents âges, jouissait d’une autorité totale, en particulier
pour le choix des épouses. Le jeune homme travaillait pour son
père si celui-ci avait payé la dot de sa future femme, ou pour
son beau-père, si la dot était prévue partie en bien divers,
partie en travaux des champs.
La loi du 7 octobre 1964 a supprimé la polygamie, tout au moins
pour les futurs mariages. La filiation se fait du père à ses
enfants qui héritent de lui et la veuve peut bénéficier de l’usufruit,
au lieu d’être obligée de retourner chez elle ou d’épouser le
frère de don mari. La doit exigée par les parents de la fiancée
a été supprimée. Quant à l’autorité parentale, elle appartient
au père et la mère et uniquement à l’égard de leurs enfants
mineurs.
Est-ce à dire que les nouvelles dispositions soient toujours
scrupuleusement respectées, du moins en ce qui concerne la polygamie
? C’est douteux. Il est vrai que la position sociale de la femme
a considérablement changé depuis l’adoption du nouveau code
civil et qu’elle tente de faire peu à peu respecter la loi.
Certes, il ne lui est plus imposé de devenir, en cas du décès
de son mari, une des épouses de l’héritier ou de l’aîné de ses
beaux-frères.
Mais, pas plus qu’avant, même : prendre une seconde ou une énième
épouse s’assortissait de contraintes, et quand une favorite
rompait l’équilibre, les autres savaient s’unir pour le rétablir.
Ce n’est plus le cas quand le mari se contente d’ouvrir un "
deuxième bureau ", expression typiquement abidjanaise pour désigner
le ou les foyers extra-conjugaux. Heureusement, il reste à la
femme délaissée la possibilité de demander le divorce et de
travailler deux fois plus qu’avant pour élever ses enfants dans
l’une des carrières qui lui sont toutes ouvertes. |